Le froid, les jambes lourdes, la faim qui te tiraille l’estomac, les regards des passants, effrayés ou plein de pitié, puis le noir total… La chaleur, la douceur des draps… Quatre paires d’yeux fixés sur toi, de parfaits inconnus. Les voilà, tes sauveurs, ta nouvelle famille. C’est la fille qui t’a secouru, qui t’a amené chez ses parents, ce sont eux qui t’ont emmené à l’hôpital et tu ne les remerciera jamais assez pour ça. Ton nom change, tu fais désormais partie de leur famille, toi, pauvre gamin de sept ans qui a tout perdu. Ils ne te connaissent pas et pourtant, ils t’acceptent parmi eux, tu es l’un des leur. Ils prennent soin de toi et tu finis par retrouver la forme, c’est eux qui t’informent de ta nature, qui t’initient au monde la magie. Tu retrouves la joie de vivre, tu es vivant, grâce à eux, ta nouvelle famille, ta seule famille. Mais les cicatrices du passé restent indélébiles, non visibles physiquement et pourtant bien présentes, tu as peur, peur d’être abandonné à nouveau, alors tu fais tout correctement, pour qu’ils soient fiers de toi, pour qu’ils ne soient pas tentés de t’abandonner eux aussi. Puis les années passent et tu prends un peu plus confiance, tu es leur fils et tu le seras toujours.

Puis vient à nouveau la peur, la peur d’être rejeté pour ce que tu es, parce que tu n’es pas comme les autres garçons, parce que tu n’aimes pas les filles. Un an à dissimuler cette vérité jusqu’à finir par avouer avant d’exploser. Tu te rends compte que tu te trompais, que peu importe qui tu aimes, filles ou garçons, ça ne changera en rien l’amour que ta famille te porte, tu finis par t’assumer. Pourtant tu hésites toujours à le dire à tes amis, tu as peur qu’ils ne soient pas aussi compréhensifs, qu’ils puissent t’abandonner, te laisser seul, ta plus grande peur… Alors tu te tais, tu gardes ça pour toi parce que tu penses que c’est mieux. Tu entres finalement en dernière année à l’école de Mahoutokoro, plus assumé même s’il t’arrives toujours de te sentir mal dans ta peau. Tu ignores toujours la vérité, tu penses que ceux qui t’ont abandonné sont tes parents biologiques, tu es loin de te douter qu’une erreur a été commise à ta naissance et que tu as été échangé avec un autre bébé. Ce bébé qui grandit dans cette famille qui aurait dû être tienne. Tu ignore que quelque part, tu as un jumeau qui ressent un manque depuis sa naissance, parce qu’il n’a jamais ressenti ce lien de jumeau avec ton remplaçant, parce qu’il n’a aucune similarité physique avec lui. Tu ignores tout ça et tu vis ta vie, jusqu’au jour où il finira par croiser ta route...